Ces dernières années, de nombreuses molécules autorisées sur légumes ont été peu à peu retirées, et souvent pas remplacées. Le désherbage de la carotte est ainsi devenu très ardu. « Le linuron puis la flurochloridone ne sont plus homologués et les solutions restantes ne demeurent plus assez efficaces, notamment contre la morelle, adventice très problématique », signale Emilie Casteil, chargée de mission chez Carottes de France, l’association des producteurs de carottes. Plusieurs espèces de nématodes posent aussi de gros soucis. Or, du côté des nématicides, deux fumigants (métam-sodium et 1,3-dichloropropène), ainsi que l’oxamyl, ont été retirés ne laissant plus de solution satisfaisante pour lutter chimiquement.
La filière des légumes de plein champ, devant par ailleurs s’adapter à la demande sociétale de réduction de l’emploi de pesticides, a démarré le projet AlterCarot (création de systèmes de culture agroécologiques légumiers incluant la carotte, économiquement viables et avec utilisation de produits phytosanitaires en ultime recours) en 2019 et pour six ans. Portée par Carottes de France et quatre partenaires (1), c’est une action du réseau Dephy Expé qui a été menée dans deux régions représentatives de la production : la Nouvelle-Aquitaine et la Normandie.
Son objectif était de baisser d’au moins 60 % l’utilisation des produits phyto sur chacun des systèmes étudiés sur l’ensemble de la rotation. Pour cela, les molécules de synthèse ne devaient être employées qu’en ultime recours et l’utilisation de certaines d’entre elles devait être évitée. Différents leviers ont donc été mobilisés : faux semis, désherbage mécanique, thermique et manuel, bâche occultante, couverts végétaux, rotation, biocontrôle, etc. Des règles de décision ont aussi été formalisées.
Références acquises
Les résultats ont montré qu’une baisse significative de l’IFT (indice de fréquence de traitement), de –38 % à –70 % selon les cas, était possible sur les systèmes de cultures testées dans les deux régions. « Mais nous n’avons pas toujours réussi à conserver un système économiquement viable », constate Emilie Casteil. En effet, afin de répondre aux objectifs fixés, il y a notamment eu un fort salissement des parcelles en Aquitaine, et un temps de sarclage manuel très conséquent en Normandie.
Et d’ajouter : « Effectivement, pour certains bioagresseurs (désherbage de la carotte de saison/conservation par exemple), on est encore loin d’avoir de solutions efficaces pour baisser l’IFT et transférables aux producteurs. Mais AlterCarot a permis de démontrer l’impact d’une baisse d’IFT ou d’un retrait de molécule sur les résultats économiques et ainsi d’acquérir des références pour faire avancer les réflexions. »
(1) Inrae, Invenio (Centre de recherche et d’expérimentation de la filière des fruits et légumes en Aquitaine), le Sileban (Société d’investissement légumière et maraîchère de la Basse-Normandie) et l’Unilet (Union nationale interprofessionnelle des légumes de conserve).