Groupe DEPHY Viticulture Yonne
Le réseau est engagé depuis 2011 dans la réduction de l'usage des produits phytosanitaires. Les exploitations viticoles membres sont diverses avec des surfaces exploitées de 6 à 90 ha, à valorisation plus ou moins forte. Depuis 2022, trois nouvelles exploitations ont rejoint ce réseau. Depuis ce réengagement, le groupe s'intéresse à la plantation de variétés résistantes aux maladies fongiques et à l'amélioration du raisonnement de la protection phytosanitaire.
Culture principale : Viticulture
Cépages : Chardonnay, Pinot Noir, Aligoté, Sauvignon Blanc.
Spécificités du groupe : Variétés résistantes, raisonnement des traitements, utilisation d'OAD, arrêt des CMR, arrêt des herbicides
Lycées partenaires : Lycée Agricole de La Brosse
Le regard de l'ingénieur réseau
Le contexte des vignobles de l'Yonne est le suivant : vignes étroites, morcelées et souvent en forte pentes. Ainsi, la recherche d'optimisation et d'alternatives techniques aux modes de conduites actuels est nécessaire pour réduire l'usage des produits phytosanitaires. Les viticulteurs de ce réseau montrent depuis 2011 que ces systèmes sont capables de changer leurs pratiques et de maintenir un bas niveau d'intrants tout en conservant des rendements satisfaisants dans une approche de triple performance. Le partage d'idées, d'échecs et de réussites est la base de celui-ci et conforte leur autonomie dans la conduite de leur exploitation. La finalité de ce groupe reste de partager ces expériences avec vous : viticulteurs !
Atteindre le rendement en réduisant l'usage de produits phytosanitaires
Comment devenir moins dépendant aux produits phytosanitaires tout en conservant un rendement satisfaisant ?
Thématiques principales du groupe pour 2022-2026
Pour répondre à cette problématique, les membres du groupe DEPHY Viticulture Yonne ont décidé de se concentrer sur 5 axes :
- Plantation de variétés résistantes au mildiou et à l'oïdium
Les cépages utilisés aujourd'hui sont relativement sensibles à ces deux maladies et créent une dépendance à certains produits phytosanitaires dont sont conscients les vignerons. Face à ce constat, ils ont choisi de s'intéresser à la plantation de cépages résistants aux maladies fongiques. In fine, l'étude de la pertinence de ce levier pourra être réalisée pour évaluer la triple performance de ces cépages sur les terroirs icaunais.
- Optimisation de la qualité et du matériel de pulvérisation
Dans un premier lieu, il s'agit de vérifier la qualité de pulvérisation pour diminuer les pertes de produits. Des tests pulvérisateurs avec la mesure des vitesses d'air et l'usage de papiers hydrosensibles seront alors réalisés. En second lieu, il s'agit de réaliser des tests de matériel innovant comme la pulvérisation confinée par panneaux récupérateurs ou encore la stimulation des défenses naturelles de la vigne par les UV.
- Amélioration du raisonnement de la protection phytosanitaire
Il s'agit d'une approche en deux points :
- La décision d'impasse qui traduit la décision de ne pas traiter sans prendre de risque pour sa récolte. Elle peut être utilisée en adaptant la décision à la situation (utilisation d'outils d'aide à la décision, traitement en fonction de la sensibilité des cépages ou des parcelles).
- Adaptation des doses à la pression : recourir à une demi-dose de traitement si la pression observée est faible pour diminuer efficacement le recours aux produits phytosanitaire.
- Généralisation du biocontrôle
Cette thématique regroupe à la fois l'usage de produits alternatifs aux produits phytosanitaires classiques et des pratiques agro-écologiques :
- Optimisation de l'utilisation de produits de biocontrôle et de substances de base (tisanes, etc).
- Mise en place d'infrastructures paysagères permettant de créer des zones refuges pour la faune auxiliaire (haies, zones fleuries, murets, mares, nichoirs, etc).
- Techniques prophylactiques : modes de conduite adaptés, fertilisation raisonnée, choix de porte-greffes, gestion de l'inoculum dans les parcelles contaminées.
- Lâchers de prédateurs (typhlodromes sur acariose dans les jeunes plantations, trichogrammes dans les vignes à pression de tordeuses) et utilisation de lutte biotechnologique (confusion sexuelle).
- Arrêt de l'utilisation des herbicides et couverts végétaux
Cet objectif passe par diverses alternatives : désherbage mécanique, enherbement (couverts hivernaux, couverts permanents, engrais verts...) et paillages.
Résultats du groupe 2011-2024
L'engagement de ces viticulteurs a permis d'atteindre des résultats probants dans la diminution des IFT (Indice de Fréquence de traitement). En voici quelques points remarquables pour le groupe depuis sa création en 2011 :
Une diminution de l'IFT fongicides hors biocontrôle du groupe de plus de 45% entre la moyenne des millésimes 2009-2010-2011 et la moyenne des millésimes 2022-23-24. Ce sont des résultats concluants par la mise en place de stratégies différentes entre les exploitations du réseau. Certaines exploitations du groupe ont opté pour une protection avec des produits autorisés en agriculture biologique, d'autres sur la base de réduction du nombre de traitements en s'appuyant sur les délais de ré-entrée dans les parcelles plus larges avec des produits conventionnels, en passant par des stratégies mixtes. L'IFT biocontrôle est lui passé de 0 à 5,55 sur la moyenne des millésimes 2022-23-24.
Les leviers mis en places :
- Intégration de l'adaptation des doses au volume foliaire dans l'ensemble des exploitations. Sur la base d'un réglage de pulvérisateur régulier depuis 2013 et de modernisation du matériel, les viticulteurs peuvent atteindre une réduction de 30% de la dose homologuée au début du cycle végétatif. Cette adaptation de dose se base sur la surface foliaire du feuillage, de la pression phytosanitaire et du matériel du viticulteur. L'objectif est d'encadrer la floraison à pleine dose, période de grande sensibilité et d'adapter ensuite la protection à la pression du millésime. Aujourd'hui, l'ensemble des membres du groupe ont intégré ces pratiques.
- Une diminution du nombre d'exploitation ayant recours au désherbage chimique. A la création du groupe, l'ensemble des membres du réseau avait recours à ce levier chimique pour entretenir ses parcelles. En 2024, 9 exploitations ont abandonné complétement les désherbants chimiques contre 6 en 2019. Ils ont recours le plus souvent au travail mécanique du sol. Dans les autres exploitations, ce désherbage se limite aux parcelles en pentes et difficiles à travailler avec une diminution de presque 95% depuis 2011.
- Une diminution de 72% de l'IFT Insecticides. Des évolutions ponctuelles sont certes observées en fonction de la pression ravageurs de l'année, toutefois les membres du groupe se dirigent vers un itinéraire sans insecticides. Leur application n'est plus systématique comme lors de la création du groupe. Lorsqu'une intervention par lutte chimique est inévitable, l'objectif est de limiter autant que possible l'application aux parcelles concernées et avec des produits moins nocifs pour l'environnement.
- Une diminution de 100% des IFT anti-botrytis hors biocontrôle. Certains viticulteurs ont investi dans une effeuilleuse afin de limiter le développement du Botrytis.
Perspectives
Le groupe travaille aujourd'hui à réduire ses doses de produits phytosanitaires par des pratiques agro-écologiques et produits de biocontrôle, et même en s'attaquant à la source du problème : les cépages sensibles aux maladies cryptogamiques. Certains vignerons du groupe envisagent ainsi une plantation de variétés résistantes pour observer le développement de ces cépages sur les terroirs icaunais et étudier les profils de vins. Un vigneron a d'ailleurs sauté le pas au printemps 2023 et 2024 en plantant du Floréal et du Sauvignac.
Témoignage de la structure :
« Depuis son existence, le groupe DEPHY a favorisé le partage et l'échange d’expériences entre viticulteurs permettant de conforter les exploitations dans leurs choix décisionnels. Les changements de pratiques opérés sont réels et l’exemplarité de ces viticulteurs sert à l’animation de nos groupes techniques ainsi qu’à faire progresser l’ensemble de la filière. La transition vers l’agro-écologie est un enjeu essentiel de notre territoire dans lequel s’inscrivent les actions menées jusqu’à présent. »
Jean – Baptiste THIBAUT – Viticulteur – Vice président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne – Responsable professionnel viticulture - Œnologie
Soucieux de leurs environnements, ces viticulteurs mettent en place des actions pour favoriser la biodiversité, tel que l'installation de nichoirs à oiseaux, à chauve souris et même l'implantation de haies en bordures des parcelles !