Projet AlterCarot
Faisant suite au projet DEPHY Carottes (2013-2018), le projet AlterCarot consiste à co-construire, évaluer et diffuser des systèmes légumiers agroécologiques, incluant la carotte, n’utilisant des pesticides qu’en ultime recours.
Dans un schéma de reconception de systèmes, les leviers agronomiques et environnementaux ont été combinés au sein d’un dispositif en ‘observatoires pilotés’ comprenant 5 systèmes de culture menés en réseau au sein des principales régions productrices de carotte : la Nouvelle Aquitaine et la Normandie.
Les 5 partenaires du projet proposent des combinaisons de leviers innovantes dans l'objectif de réduire les IFT de 60 % sur l'ensemble de la rotation et sur la culture de carotte en particulier, tout en maintenant des systèmes économiquement viables. Le projet cible les 3 principaux types de bioagresseurs telluriques (adventices, champignons du sol et nématodes) ainsi que les bioagresseurs aériens.
Enjeux et objectifs
En France, la filière légumes de plein champ doit désormais s'adapter à la transition écologique et faire face à de nombreux enjeux :
- Adapter ses conditions de production à la demande sociétale, de réduction de l’usage des produits phytosanitaires,
- Maintenir une production de carottes de qualité, proche du zéro défaut, dans ses bassins traditionnels de production présentant un cortège important de bioagresseurs, notamment telluriques,
- Maintenir la compétitivité de ses entreprises dans un contexte socio-économique tendu et une concurrence européenne importante,
- Assurer les emplois.
Les avancées obtenues dans le projet Dephy Carotte (2013-2018) sont encourageantes mais méritent d’être poursuivies pour tester de nouvelles combinaisons de leviers, poursuivre la baisse d’IFT, tout en maintenant la durabilité économique des exploitations.
Le projet AlterCarot est mené au sein des deux régions représentatives de la production de carotte en France : la Nouvelle Aquitaine et la Normandie. Il est porté par Carottes de France, accompagné par quatre partenaires complémentaires : l'INRAE de Rennes, INVENIO, le SILEBAN et l'UNILET.
Le projet AlterCarot, se fixe les objectifs suivants :
- Réduire d’au moins 60% l’IFT sur l'ensemble du système de culture et sur la culture de carotte en particulier par rapport aux systèmes de référence régionaux (source Agreste 2017, 2018, Unilet 2015-2018).
- Lors du choix des molécules phytosanitaires de synthèse utilisées uniquement en ultime recours, s’interdire l’utilisation des molécules qui sont susceptibles d’être retirées du marché ou pouvant faire l’objet de fortes restrictions dans les prochaines années.
En suppléments des baisses d'IFT, les objectifs des systèmes de culture sont :
- Pour la Normandie : Maintien du rendement commercialisable (45t/ha de carotte, 50t/ha de poireau et 10 000 à 11 000 têtes/ha de chou-fleur), nombre d'heures de sarclage manuel inférieur à 550h/ha, respect des différents cahiers des charges sur la présence de résidus.
- Pour l'Aquitaine : Rendement commercialisable au moins équivalent à 85 % du rendement de référence, marge brute au moins équivalente à 90% de la marge brute de référence, respect des différents cahiers des charges sur la présence de résidus.
Stratégies testées
Trois modes d’actions majeurs sont mobilisés dans le projet :
- Actions sur le stock d’inoculum : maintien d’un contexte défavorable aux bioagresseurs et rupture de leur cycle de vie (mesures préventives),
- Stratégies d’évitement (mesures préventives),
- Atténuation des dommages en culture : création d’un contexte édaphique favorable aux cultures de rente (mesures curatives).
AlterCarot cible trois grands types de bioagresseurs telluriques (les plus courants sur les systèmes étudiés) : adventices, champignons pathogènes et nématodes. Ces deux derniers sont parfois multi-hôtes (Sclerotinia, Pythium, Rhizoctonia, Phytophthora megasperma, Pratylenchus …) ou spécifiques de la culture (Heterodera carotae, Phytophthora dauci…). Les bioagresseurs aériens (maladies cryptogamiques et ravageurs) seront travaillés en parallèle.
La lutte contre les adventices combine plusieurs leviers ayant une action en priorité sur le stock d’inoculum afin que celui-ci ne s'exprime pas (alternance cultures hiver et couverts par exemple), se vide (travail du sol par exemple) ou ne se remplisse pas (écimage par exemple). Ensuite les adventices qui parviennent à lever verront leur croissance réduite par la présence d’un mulch ou par l'utilisation d'outils de désherbage mécanique ou thermique adaptés. Les adventices les plus problématiques communes aux deux bassins sont les morelles, chénopodes, séneçons et pâturins.
La lutte contre les champignons du sol combine des leviers ayant une action sur le stock en augmentant le délai de retour de cultures sensibles. L'apport de microorganismes exogènes de biocontrôle permet de limiter l'inoculum ou l'expression des champignons telluriques néfastes pour les cultures. Les régulations biologiques naturelles sont favorisées via la réduction de travail du sol et l'apport de matière organique, ou encore la gestion de la nutrition.
Les bioagresseurs aériens seront plutôt travaillés à l’échelle de la culture.
Résultats attendus
En termes d’apprentissages et de connaissances, le projet AlterCarot a plusieurs ambitions :
- Acquérir une expertise technique et méthodologique sur les systèmes de production légumiers avec une utilisation de produits phytosanitaires en ultime recours : compréhension approfondie du fonctionnement des systèmes de culture étudiés, formalisation de la co-construction des systèmes innovants et des règles de décisions, construction d'indicateurs et évaluation des systèmes innovants.
- Organiser un espace de dialogue, d’échanges et de progrès au sein de la filière carotte française dans l’objectif de faire évoluer les prises de consciences et les pratiques des producteurs : il réunira les producteurs, les partenaires du projet et les experts extérieurs (chercheurs, spécialistes, animateurs réseaux…) et nourrira les actions de chacun à son échelle (nationale/régionale/locale/filière). Il aboutira à la création d’un réseau de partenariat durable permettant le montage de futurs projets collaboratifs.
- Transférer les connaissances et favoriser les changements de pratiques des producteurs : transfert et valorisation des nouveaux savoir-faire dans l’expérimentation quotidienne des stations d’expérimentation et plus largement via la valorisation des compétences acquises auprès des groupes existants (groupe des 30 000 et Dephy Ferme). Les partenaires ont pour ambition qu’AlterCarot soit la locomotive qui conduira les producteurs, et l’ensemble de la filière, à modifier les pratiques vers une moindre utilisation des produits phytosanitaires de synthèse. Ce transfert des connaissances sera notamment assuré par une valorisation des résultats dans la Charte Nationale Carotte, portée par l’AOP nationale Carottes de France (socles de pratiques communes dans les itinéraires techniques de production de carotte).
- Transférer des compétences vers la formation agricole : une valorisation en partenariat avec l’enseignement agricole est envisagée afin d’intégrer des élèves en fin de cursus dans les réflexions et d’organiser des visites sur les systèmes expérimentaux.