Groupe DEPHY Viticulture de Lorraine
Le dynamisme et le renouveau du vignoble lorrain ont permis la création du groupe DEPHY viticulture en 2012. Environ la moitié de la surface des parcelles de vigne exploitées en Lorraine est représentée dans ce groupe. Les vignerons du groupe sont répartis entre la Moselle, la Meurthe-et-Moselle et la Meuse. L'AOC Moselle, l'AOC Côtes de Toul et l'IGP Côtes de Meuse y sont représentées.
Cette disparité géographique expose la diversité des profils des exploitations lorraines. Les surfaces exploitées sont comprises entre 2,4 et 18,5 ha et certains cépages varient selon les appellations. Le point commun de ces vignerons? Maintenir une démarche de réduction des traitements, améliorer sans cesses les pratiques et avancer dans une démarche de protection de l'environnement. C'est ainsi qu'ils se sont réunis pour expérimenter différentes techniques de l'agroécologie comme le remplacement des herbicides par le travail du sol ou la mise en place de mesures prophylactiques.
Depuis, l'arrêt des herbicides au profit de l'enherbement ou du travail du sol est devenu habituel grâce au partage dans le groupe. Pour protéger les plants des insectes ravageurs, l'observation précède tout traitement et les insecticides chimiques ont tendance à être remplacés par des techniques de biocontrôle (confusion sexuelle ou huile essentielle d'orange douce comme Essen'ciel).
Ce vignoble en expansion compte des viticulteurs motivés et ambitieux, prêts à s’investir dans les techniques alternatives de demain telles que la vitiforesterie, le paillage ou les cépages résistants et à les partager lors de journées techniques.
Principaux cépages : Pinot noir, Auxerrois, Pinot gris, Gamay, Müller Thurgau, Chardonnay, Gewurztraminer, Riesling, Pinot blanc, Muscat Ottonel
Spécificités du groupe : trois appellations représentées, semis d'engrais verts avec auto construction de semoir
Témoignage de l'ingénieur réseau :
Le vignoble septentrional de Lorraine présente une diversité de terroirs due en partie au morcellement des trois appellations. Cette richesse demande aux producteurs d’adapter leurs systèmes de culture à la situation pédoclimatique de leurs exploitations. Quelque peu isolés, les viticulteurs lorrains ont à cœur de pouvoir échanger autour de leurs pratiques. DEPHY leur permet d'échanger et de comparer leurs avancées. Les initiatives comme des essais de cépages résistants et l’investissement du groupe ont rendu possible une réduction considérable des IFT qui était initialement de 10.2 en 2012. L'arrivée de nouveaux vignerons utilisant des alternatives aux produits phytosanitaires comme la lutte contre la monoculture a permis une accélération du changement de pratiques. Le travail du sol et l'utilisation de produits de biocontrôle ont été les deux plus grandes évolutions. Une sorte de course à qui traitera le dernier en début de saison reflète la communication dans le groupe. L’objectif est de maintenir cette baisse à long terme tout en préservant une rentabilité technique et économique. Il s'agit d'une mission d'accompagnement agricole vers la triple performance.
Agir sur la protection de la vigne et la structuration des sols viticoles en Lorraine
Thématiques principales du groupe :
Essais sur la gestion des adventices et des pratiques alternatives aux produits phytosanitaires.
- Abandon des herbicides : différentes stratégies de gestion du couvert sont testées par les viticulteurs. Les adventices sont tondues ou détruites mécaniquement selon la saison. Les engrais verts (plantes sélectionnées pour leur apport organique et minéral et leurs bienfaits sur la structuration du sol) sont semés dans les inter-rangs des parcelles. Généralement, l'enherbement est un rang sur deux. La fertilité et la vie des sols en sont améliorées.
- En général, le groupe a tendance à choisir un enherbement maitrisé plutôt qu'un travail du sol systématique dans l'inter-rang. Au cours des essais menés sur le semis d'engrais verts, chaque viticulteur trouve finalement les semis et les techniques qui lui conviennent le mieux. Leur avancée les ravis. Pour eux, c'est une satisfaction personnelle sur le plan technique et économique avec quelques améliorations à trouver au fil des années.
- La gestion des adventices sous le rang est en majorité pratiquée avec un intercep, des disques émotteurs ou crénelés adaptés aux sols argileux et des étoiles Kreiss pour les sols secs.
- Pour les terrains délicats, un cheval est également convoqué dans certaines exploitations.
- Pratiques alternatives aux fongicides de synthèse : en plus du soufre et du cuivre qui sont utilisés à la place des autres molécules de synthèse, des produits de biocontrôles à base d'huile d'orange douce, de phosphonate de potassium et de bicarbonate de potassium ont été utilisés en 2019 par quelques viticulteurs contre les maladies fongiques (oïdium, mildiou et botrytis). Les essais sont faits petit à petit et toujours en complément de dose réduite de soufre ou de cuivre.
- Les préparations de plantes ont aussi été étudiées et adoptées par certains des viticulteurs du groupe. L'ortie, l'achillée millefeuille, le pissenlit et la prêle sont les plantes les plus utilisées dans le groupe. Les PNPP sont pulvérisées sur les feuilles dans le but de renforcer la protection des vignes face aux ravageurs et autre pression abiotique comme le gel.
- Pratique alternative aux insecticides chimiques contre les vers de la grappe : la confusion sexuelle a été mise en place à partir de 2015 dans les parcelles où des attaques avaient lieu. Depuis quelques années, la pression est épisodique et la plupart des viticulteurs n'ont plus besoin d'agir. Peut-être est-ce dû au retour des insectivores permis par la mise en place d'actions favorisant la biodiversité ! C'est le cas de la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et des passages de tracteur, la plantation d'arbre, la préservation des murets... A l'image de l'année 2019, 72% des vignerons du groupe n'ont pas traité contre les insectes. Deux viticulteurs ont utilisé la confusion sexuelle, un a appliqué un biocontrôle à base d'huile d'orange douce.
Autres thématiques travaillées par le groupe et pistes innovantes explorées collectivement :
La protection de la biodiversité et l'adaptation des vignes au changement climatique sont également recherchées grâce à la plantation d'arbres ou de haies. En effet, un arbre peut, à l'intérieur d'une parcelle de vigne, atténuer le changement climatique (effet brise vent, ombrage, augmentation de l'hygrométrie: l'arbre à un rôle tampon qui limite les excès d'eau ou de température). Bien sûr, les arbres permettent également d'abriter de la biodiversité et restaurer les sols viticoles.
En plus des préparations naturelles à base de plantes, les viticulteurs du groupe sont de plus en plus nombreux à se pencher sur les pratiques de la biodynamie depuis la formation dispensée par le MABD. La visite d'un domaine du groupe exploitant cette technique était très parlante. Bien que la visite eut lieu en décembre, les bénéfices physiologiques et environnementaux de la pratique étaient visibles en comparant la parcelle du viticulteur à la parcelle voisine conduite en conventionnel : moins de mousse sur les bois, bois de taille de plus gros diamètre, sol beaucoup moins compact....
La culture de cépages résistants est également un sujet qui intéresse les viticulteurs de ce groupe. Ces cépages sélectionnés pour leur aptitudes oenologiques et leur résistance à l'oïdium ou au mildiou permettraient de réduire encore l'utilisation de produits phytosanitaires. Bien que cette solution soit développée depuis quelques années, beaucoup de freins existent encore. L'adaptation de ces cépages au terroir lorrain, l'acceptation des cépages en France et dans les appellations et la connaissance du public sur le sujet sont récurrents. L'enquête sur la culture et la vinification des cépages résistants est donc programmée pour ce groupe DEPHY !
Résultats du groupe :
La baisse des IFT est réelle depuis la formation du groupe DEPHY (de 10.2 à 5 sur des années classiques). Cependant, comme le rappellent les années 2021 et 2023, la réduction de l'utilisation d'intrants est dépendante des conditions météorologiques. Lors d'années plus compliquées, adaptation et anticipation sont de rigueur.
Témoignage de la structure :
Les objectifs du réseau des fermes DEPHY constituent un lien pertinent entre nos activités en santé du végétal et nos actions de sensibilisation à la préservation de l'environnement. Déjà impliquée dans le suivi sanitaire des vignes, FREDON Grand Est a souhaité en 2011 aller plus loin dans l'accompagnement technique de cette filière en s'engageant dans cette démarche. Les premiers résultats sont encourageants et de nouveaux viticulteurs ont intégré le groupe. Nous espérons continuer dans cette dynamique en répondant à leurs besoins et aux objectifs du plan ECOPHYTO.
Thierry PAUL, président de FREDON Grand Est
Lien vers les sites des viticulteurs du groupe: