« Nous disposons de beaucoup de données sur le campagnol terrestre, mais peu sur son cousin, le campagnol des champs », explique Louis Audren, chargé d’études à Fredon Grand Est, et responsable du projet Macc 0. Ce projet Dephy Expe 2, qui s’est déroulé de 2019 à 2024, visait à expérimenter différents moyens de lutte contre le campagnol des champs, en appliquant des méthodes qui avaient fait leurs preuves sur d’autres rongeurs.
Un rodenticide potentiellement dangereux pour la faune
Le campagnol des champs provoque de lourds dégâts dans la région Grand Est. « Il s’attaque aux parties végétatives des plantes, et les cultures optimales à sa pullulation sont les graminées et les légumineuses. Dès lors qu’une surface est enherbée, il s’y fait un abri », pointe le chargé d’étude. Dès lors, les pratiques agroécologiques visant à garder le sol couvert en toutes saisons favorisent le développement du rongeur.
La lutte chimique consiste à l’application d’ un rodenticide à base de phosphure de zinc, qui une fois ingéré provoque la mort. La bromadiolone, utilisée jusqu’à son retrait en 2020, était un anticoagulant, très toxique pour les prédateurs qui mangeaient le campagnol. Si le phosphure de zinc présente un risque d’intoxication secondaire plus faible que la bromadiolone, sa toxicité primaire est supérieure. Il peut donc constituer un danger pour la faune non-cible.
Le projet Macc 0, porté par de nombreux partenaires (Fredon Grand Est et de Bourgogne-Franche-Comté, la chambre d’agriculture de Haute-Marne, le Verexal, l’association du verger expérimental d’Alsace, l’association Neomys qui fait des relevés de faune, la Fédération régionale des Chasseurs, la Fnams et la Cuma Grand Est) dispose de quatre sites expérimentaux. En Haute-Marne et en Moselle pour les grandes cultures, dans la Marne, pour des porte-graines et dans le Bas-Rhin pour la production arboricole.
Travail du sol, prédation, piégeage, une multitude de méthodes existe
De nombreux leviers ont été expérimentés, avec plus ou moins de succès : passage de la herse étrille, déchaumage, piégeage, entretien des bordures et inter-rangs, implantation de plantes répulsives (mélilot) et favorisation des prédateurs par l’installation de perchoirs et de couverts plus bas permettant aux rapaces d’apercevoir leurs proies. « La herse étrille s’est révélée efficace, estime Louis Audren. Ce que nous ne savons pas, c’est si cela détruit les populations directement, ou si ça détruit seulement leurs couloirs de circulation, et provoque leur dispersion. Les campagnols doivent alors reconstituer leurs galeries, et passent par conséquent moins de temps à manger et à se reproduire. En outre, cela aide à la prédation, car les rongeurs sont désorientés. »
Les expérimentateurs ont essayé de mettre en place des systèmes de piégeage innovants, capturant les animaux et les mettant à disposition de leurs prédateurs, mais les dispositifs ont été systématiquement volés. « Quant au mélilot, qui est censé être un anticoagulant naturel, dangereux pour le rongeur mais mellifère, un agriculteur a essayé d’en implanter, mais il n’a pas levé », regrette le responsable du projet. La prédation s’est révélée un levier efficace, et facile à mettre en place pour l’agriculteur, grâce à des perchoirs en forme de trépieds, qu’il peut aisément déplacer. « La prédation a permis à des parcelles infestées à 60 % de baisser à 20 % environ », détaille Louis Audren. Mais la prédation ne permet pas d’atteindre 0 % de campagnols. La combinaison de plusieurs leviers peut ainsi être nécessaire pour atteindre un seuil satisfaisant : prédation, travail du sol, et en dernier recours rodenticide.
Si les résultats des expérimentations se sont révélés intéressants pour les agriculteurs concernés par les pullulations de campagnols, le projet MACC 0 s’arrête, et les partenaires n’ont pas souhaité demander sa prolongation au sein de Dephy Expe 3. Fredon Grand Est continuera à travailler sur les campagnols et leurs prédateurs.