Réduire les IFT de 50%, voire 80%, c’est possible… mais à quel prix ?

Les acteurs du réseau expérimental Dephy Expe ont dressé le bilan de trois projets viticoles dont l'objet était de réduire l'usage des produits phytosanitaires. Des itinéraires risqués ont prouvé leur efficacité. Mais ces systèmes de rupture ont bien sûr leurs limites. 

Tractor sprayer nozzle close-up

Le réseau expérimental Dephy Expe, dont le rôle est de prendre les risques à la place des agriculteurs, confirme les limites de ces systèmes de rupture.

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Mis en place dans le cadre des plans Écophyto 1 et 2, le réseau Dephy Expe comprend à ce jour 41 projets, dont 23 se terminent cette année. Si une partie des données est toujours en phase de consolidation, plusieurs responsables de projets ont présenté leurs résultats le 17 mai à Paris, dont trois en viticulture : Diverviti, Salsa et Bee.


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Les essais Dephy Expe visent à tester des systèmes « en rupture » pour réduire les traitements phytosanitaires. Chacun à sa manière : Diverviti a testé si l’objectif pouvait être atteint en diversifiant les espèces dans et autour des parcelles. Salsa a utilisé les variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium, tout en introduisant des couverts ou du travail du sol pour diminuer les herbicides. Bee a mobilisé les produits de biocontrôle et les OAD (outils d’aide à la décision).

Pour chacun de ces projets, les objectifs de diminution de 50 %, voire 80 % des IFT ont été atteints. Mais des limites ont aussi été mises en évidence : diminution de rendement, complexification du travail, augmentation des coûts. La parcelle expérimentale de Montreuil-Bellay, par exemple, n’a encore pas produit de raisin alors que la plantation date de 2019. Signe que les équilibres biologiques demandent du temps pour s’établir.

Enjeux de résilience

« Ces expérimentations sont essentielles, souligne Gilles Robillard, président de Terres Inovia, car elles permettent de tester la prise de risque des nouveaux systèmes. La plupart induisent des pertes de rendement. Or nous sommes face à des enjeux de résilience pour les agriculteurs et des enjeux de filières, que ce soit la production d’aliments, d’énergie… »

Un thème repris par Christian Lannou, directeur de recherche à l’Inrae : « Que fait-on lors des années hors norme ? Est-ce qu’il faut prévoir un système d’indemnité en cas de perte de rendement ? Est-ce que l’agriculteur a droit à utiliser un traitement plus fort ? »

Autre sujet de questionnement : comment amener ces nouveaux systèmes jusqu’aux producteurs ? « C’est parce qu’on démontre qu’elles fonctionnent qu’elles seront adoptées. Le réseau Dephy doit participer à diffuser les bonnes pratiques », estime Cyril Kao, du ministère de l’Agriculture. Des initiatives en ce sens existent déjà, par exemple avec un projet participatif, intégrant directement 23 parcelles chez les viticulteurs dans la région de Cognac.