ien chauffée par les watts de la sono, la lumière des stroboscopes et un tonnerre d’applaudissements, Camille est la première à s’élancer sur le tapis vert déroulé dans une salle de réception du château Sainte-Roseline ce 28 mai. Cette agricultrice ouvre le « DEPHY’lé des EPI » imaginé par les trois animatrices du réseau DEPHY de la Chambre d’Agriculture du Var et la MSA Provence Azur. Le but ? Montrer que le port d’équipements de protection individuelle peut être sexy et présenter les tenues qu’une trentaine d’agriculteurs des trois groupes ont sélectionnées lors de simulations en conditions réelles (voir encadré).
Après avoir traversé la salle, Camille monte sur l’estrade où l’accueillent Marine Bruno, de la Chambre d’Agriculture, et Franck Giraudo, de la MSA. Et c’est parti pour une revue de détail. « Camille s’est préparée pour un traitement au Kerb Flo, un herbicide à base de propyzamide (CMR2) dans un champ d’artichauts, indiquent les deux présentateurs au public. Pour réaliser sa bouillie, elle a passé un long tablier de protection sur une combinaison de travail déperlante. Cette combinaison recouvre ses bottes de sécurité. Afin de bien protéger ses mains et ses avant-bras, elle a enfilé des gants à manchettes en nitrile réutilisables entre sa combinaison et son tablier. Elle porte un demi-masque respiratoire réutilisable équipé de deux cartouches filtrantes A2P3 à remplacer toutes les 40 heures d’utilisation en plein air ou toutes les 20 heures en espace confiné. Elle porte aussi des lunettes dotées d’un logo erlenmeyer également réutilisables. Coût de la tenue complète : environ 400 €.
« Comme elle traite avec un tracteur équipé d’une cabine T4 étanche, une fois sa bouillie prête, elle peut retirer tous ses équipements pour ne garder que la combinaison et les bottes et monter dans son tracteur en passant des surchaussures afin d’éviter de souiller la cabine », poursuivent les deux présentateurs au micro.
Une fois le traitement terminé, Camille rincera ses gants à manchettes et son tablier à l’eau et les étendra pour les faire sécher. Elle nettoiera les cartouches de son masque avec un linge humide avant de les stocker dans une boîte hermétique dans son armoire à EPI. Elle pourra ensuite laver sa combinaison en machine une trentaine de fois sans la mélanger au linge de maison.
Camille quitte la scène. La musique redémarre. C’est au tour de Romain de poser le pied sur le tapis, de fendre la salle et de se diriger vers l’estrade. Sa mission : désherber une parcelle de vigne, toujours avec Kerb Flo. Pour remplir son pulvé, Romain a choisi les mêmes équipements que Camille. Il a simplement troqué la combinaison déperlante pour une tenue à usage unique de type 4/5/6 qui résiste à la déchirure et à l’abrasion. Lui aussi traite avec un tracteur pourvu d’une cabine T4. Mais comme il fait chaud, après avoir rempli son pulvé, il se déshabille pour ne garder qu’un T-shirt, un short, ses bottes et des surchaussures. Il a prévu à côté de lui des lunettes de réentrée, des gants jetables ainsi qu'une bombe à air sec et une brosse pour déboucher les buses, présents dans le kit phyto distribué par la MSA en cas d’aléas lors de l’application. Il aura en plus à sa disposition une combi jetable neuve et une paire de sur chaussures.
Clémence n’a pas autant de chance que Camille et Romain. Pour traiter ses vignes, elle n’a qu’un tracteur avec une cabine T2, qui filtre moins bien. Même pendant le traitement, elle doit garder une tenue de type 4/5/6 jetable, des bottes EPI sous des surchaussures, des gants jetables, un demi-masque A2P3 et des lunettes réutilisables. « Quand elle aura fini, Clémence pensera à bien placer tous ses équipements jetables dans un sac de collecte Adivalor et à prendre une douche avant de rentrer chez elle », rappellent les présentateurs qui, pour s’amuser, lui demandent de passer toute entière dans une grande sache destinée aux EPI usagés.
Encore moins chanceux, Hugo n’a qu’un tracteur sans cabine. Pour préparer sa bouillie et traiter ses oliviers avec un fongicide associé à un insecticide, il doit porter des gants en nitrile réutilisables à 15 € sous les manches d’une combinaison étanche de type 4/5/6. « Cette combinaison coûte environ 350 € mais résiste à 90 lavages en machine à 40 °C », détaille Marine Bruno. Pour le visage, il a choisi un masque intégral au charbon actif, qui laisse passer l’air mais filtre tous les aérosols, confortable et sécurisant, à 130 €.
S’en suivent Johan et Armelle, pour des traitements à la lance (pulvé trainé ou porté) en culture haute et basse pour le maraichage et l’arboriculture.
Pour clôturer le défilé, Jean-Michel et Cathy jouent un agriculteur et sa conseillère en tenue de réentrée dans une parcelle traitée au Karate Zeon et à la bouillie bordelaise. Ils ont bien attendu 48 heures pour s’y retrouver et portent tous les deux des lunettes réutilisables et des bottes EPI. Jean-Michel a opté pour un polo lavable, un pantalon et des gants jetables. Cathy, elle, a préféré une tenue lavable déperlante et des gants réutilisables. Élégants autant qu’il est possible de l’être en pareille circonstance.
30 viticulteurs, maraîchers et oléiculteurs des trois groupes DEPHY du Var ont mouillé le maillot pour créer cette collection printemps-été 2024 d’EPI. Le 12 mars dernier, avec les trois animatrices de ces groupes et des conseillers et des infirmiers de la MSA Provence Azur, ils ont testé plusieurs équipements et manipulé de la fluorescéine pour visualiser les pratiques à risque et simuler les contaminations par les produits phyto. A l'issue de cette séance, les agriculteurs et leurs conseillers ont validé six tenues. Deux mois ont ensuite été nécessaires aux conseillers pour organiser le défilé qui s’est poursuivi par une table ronde autour de la prévention phyto et un apéritif dînatoire pendant lequel les participants ont pu poser des questions aux conseillers et infirmiers de façon décontractée. « Nous avons enfilé différentes tenues avant d’aller traiter des haies de cyprès avec un atomiseur à dos, raconte une jeune maraîchère. Après avoir traité, nous avons retiré nos équipements et nous nous sommes mis dans le noir pour voir quelles parties de nos corps étaient touchées. Moi j’avais le meilleur masque, à assistance respiratoire, mais j’avais mis ma combinaison sous les bottes et du produit avait coulé sur mes pieds. »