Groupe DEPHY FERME Légumes des tropiques - Guyane
En Guyane, le réseau DEPHY Ferme a débuté en 2018 et s’est réengagé pour la période 2022-2026. Il comprend actuellement 8 exploitations agricoles, dont 3 en Agriculture Biologique, une exploitation de lycée agricole en Bio et un ESAT (Établissement et service d'aide par le travail).
Profils des exploitations : le maraichage est l’atelier principal, pratiqué à la fois en plein champ et sous abri. Il est généralement complété par des productions fruitières et de tubercules. Des exploitations ont en plus des vergers et des ateliers d’élevage (petits et gros ruminants, volaille, abeilles).
Pour l'ensemble, l’atelier maraichage ne dépasse pas 1,5 ha. La plupart des exploitants a recours à de la main d’œuvre salariée de façon ponctuelle ou à temps partiel pour le maraichage. Le niveau d’équipement est assez variable et tous sauf une exploitation disposent d’un système d’irrigation sur au moins une partie des cultures.
Au niveau technique : la rotation des cultures est largement pratiquée, de façon plus ou moins planifiée selon les cas, ainsi que le paillage. Le maraichage est pratiqué toute l’année sous abri. En plein champ, les cultures sont davantage conditionnées par les conditions climatiques, qu’il s’agisse des fortes pluies ou de la sécheresse.
Sur le plan sanitaire : l’utilisation des pesticides de synthèse est faible et les herbicides ne sont plus utilisés. Le recours aux plants greffés notamment en tomates est de plus en plus courant pour lutter contre les problèmes de flétrissement bactérien, le recours aux produits de biocontrôle et aux substances naturelles se développe et les plantes auxiliaires sont présentes dans la plupart des parcelles.
Motivations du groupe : les agriculteurs du réseau ont la volonté de faire évoluer leurs pratiques, de réduire et s'affranchir de l’utilisation des produits phytosanitaires de synthèse pour des raisons liées à la santé et à l'environnement, mais aussi pour éviter l'achat de produits chers.
Productions principales : Légumes des tropiques
Spécificités du groupe : Amélioration et maintien de la fertilité du sol en maraîchage tropical
Lycées partenaires : EPLEFPA de Guyane
Partenariats locaux : FREDON
Le regard de l'ingénieur réseau:
Les agricultrices et agriculteurs du groupe DEPHY Ferme Légumes des tropiques ont déjà un recours faible ou nul aux produits phytosanitaires. Ils ont développé et fait évoluer leurs pratiques avec cet objectif. Néanmoins des problématiques sanitaires surviennent toujours et la gamme de produits de biocontrôle est réduite en Guyane.
La démarche DEPHY doit permettre de mettre en valeur ces méthodes de travail, de les accompagner, mais aussi d’identifier avec chacun les leviers d’action existant au sein de son système de production pour permettre de sécuriser et stabiliser davantage les rendements et la qualité des productions, afin de rendre ces méthodes attractives pour tous les producteurs du territoire.
Le groupe DEPHY Légumes des tropiques de Guyane a défini sa stratégie 2022 - 2026 comme suit : améliorer la santé des cultures et les rendements, maintenir les IFT bas, maintenir l’IFT herbicide à zéro.
Pour mettre en œuvre cette démarche, plusieurs thématiques ont été choisies :
- Améliorer la gestion de la fertilité du sol
- Aller vers l’autonomie et la maitrise des apports de matière organique
- S’équiper en outils adaptés à son système de culture
- Accéder à du matériel végétal de qualité
- Se tenir informé sur les innovations en agroécologie pour monter en compétences
Thématiques principales du groupe :
Maintien de l’IFT herbicide à zéro :
Les agricultrices et agriculteurs du groupe ont largement adopté le paillage, aussi bien sous abri, en bacs ou en plein champ pour limiter l’enherbement des cultures. Certains utilisent le paillage plastique, la toile tissée, d’autres le foin et le BRF. L’occultation à l’aide d’une bâche est utilisée en complément, ainsi que le désherbage manuel. Dans tous les cas les résultats sont concluants et permettent de s’affranchir totalement des herbicides. En plein champ, la pression des adventices reste très forte et entraine encore des pertes dans certaines cultures.
Améliorer la santé des cultures par la gestion de la fertilité du sol :
En climat équatorial, la vitesse de minéralisation est très élevée presque toute l’année et les stocks de matière organique dans les sols sont très faibles. D’autre part, l’acidité des sols rend indisponible certains minéraux nécessaires aux cultures. Les carences peuvent donc apparaitre rapidement, entrainant un affaiblissement des plantes et une plus grande sensibilité aux bioagresseurs.
Pour favoriser un bon développement de leurs cultures, les membres du groupe DEPHY travaillent à améliorer la fertilité des sols cultivés par des apports réguliers de différentes matières organiques fraiches et compostées. L’accès à ces ressources peut connaitre des fluctuations liées à leur disponibilité et leur prix. La recherche d’autonomie et de justesse des apports (ni trop ni trop peu) est une des priorités des producteurs du groupe. Elle se traduira dans le projet du groupe par un suivi précis des volumes apportés sur les parcelles suivies, et par un suivi régulier de l’état du sol à travers des analyses de terrain et en laboratoire.
S’équiper en outils adaptés à son système de culture
Gagner du temps, gagner en ergonomie, éviter les achats de matériel inapproprié … sont autant de raisons qui poussent le groupe DEPHY à rechercher des équipements adaptés ou adaptables à leur système de production. Les besoins ciblés en début de projet sont les outils pour faciliter la préparation des plaques de semis rapides et homogènes, et les outils de décompactage /d’aération du sol sans retournement type Grelinette, qu’on ne trouve pas en Guyane en 2022. Cette recherche se traduira par des visites d’exploitations disposant d’équipements auto-construits, et par la réalisation d’ateliers de fabrication d’outils.
Accéder à du matériel végétal de qualité
La santé des cultures repose aussi sur le choix de variétés adaptées au contexte pédo-climatique. Cependant les DOM, et particulièrement la Guyane qui connait un climat et des conditions environnementales bien spécifiques, ont un accès limité à des semences maraichères certifiées et adaptées. Plusieurs stratégies coexistent au sein du groupe pour pallier ce problème : certains agriculteurs reproduisent eux-mêmes une partie de leurs semences (notamment en Bio) pour être sûrs de garder une variété qui convient et éviter d’être à court de semences non traitées. Un agriculteur-technicien participe à la mise en place un programme d’essais variétaux avec différents semenciers afin de pouvoir diversifier et renouveler la gamme de variétés cultivables en Guyane.
Se tenir informé sur les innovations en agroécologie pour monter en compétences
Se tenir informé(e) demande du temps ! Le rôle de l'Ingénieur(e) Réseau sera de favoriser et de faciliter l’accès aux informations et le partage de connaissances à travers l’organisation des rencontres de groupe, des visites thématiques, et des échanges avec d’autres groupes DEPHY.
Précédents résultats du groupe (avant 2022)
Gestion de l’enherbement sous abri : plusieurs méthodes qui fonctionnent. 4 agriculteurs sur 9 ont recours au film plastique de 40 microns sur les billons sous abri, avec un arrosage en goutte-à-goutte. Leur efficacité est très satisfaisante. Les essais de films biodégradables n’ont pas été convaincants car leur prix est élevé et ils ont tendance à se déliter trop rapidement, parfois dès la pose. Il est probable que les conditions de transport et de stockage endommagent le produit et réduisent sa durée d’utilisation. Les films plastiques sont utilisés pendant 1 à 2 ans en général. Plusieurs producteurs utilisent la toile tissée sur les passe-pieds, avec une durée de 2 à 3 ans. Les matières plastiques sont donc très efficaces, pratiques, la pose et retrait sont assez rapides, l’investissement est fait tous les 1 à 3 ans. La problématique reste la production de déchets non recyclés. Les agriculteurs qui utilisent ces plastiques depuis plusieurs années observent une diminution du stock d’adventices, qui leur permet de s’affranchir du paillage plastique sur les 3 rangs du milieu des serres (seuls les rangs de bordure sont couverts).
4 agriculteurs sur 9 utilisent des paillages végétaux issus de ressources locales, telles que du foin, du fumier pailleux ou du BRF, sous abri et en bacs en plein air. En général, le paillage au foin doit être renouvelé 2 fois par an. On compte en moyenne une balle ronde pour 50 à 60m². Il donne de bons résultats, complété par un peu de désherbage manuel. Il permet en même temps un apport de carbone et améliore la structure superficielle des sols. Cette technique est très satisfaisante sur le plan agronomique. Elle utilise une ressource locale, ne produit pas de déchets. Elle reste cependant accessible à une partie limitée des maraichers, car la production de foin guyanais est réduite et localisée à quelques zones géographiques. La faible offre et la forte demande sur le marché rendent les prix assez élevés. Il est à espérer que la production de foin se développe dans les années à venir pour rendre cette matière plus accessible.
Le BRF est utilisé par 2 agriculteurs, dont l’EPLEFPA. Sous abri il offre des résultats satisfaisants en contrôle des adventices et amélioration du sol, mais en plein air sur buttes, il a tendance à « croûter », formant une couche imperméable. Le principal frein à l’utilisation du BRF est le temps de broyage.
L’occultation à l’aide d’une bâche opaque est utilisée par une agricultrice en Agriculture Bio. Elle lui permet de supprimer les adventices des bacs avant la mise en culture. La méthode est très efficace et évite de compacter et de retourner le sol inutilement. Les adventices mortes sont ratissées. Un autre agriculteur a commencé à utiliser cette technique sur billons. Il laisse les adventices mortes se dégrader sous le paillage plastique après l’occultation.
Dans les systèmes de maraichage sous abri avec des rotations assez courtes (3 à 4 cultures sur environ 1 an), la pression des insectes ravageurs peut être importante. Plusieurs techniques ont été adoptées par un producteur et progressivement par d’autres. Le « vide sanitaire tomates » qui consiste à interrompre la culture 2 mois par an, réduisant notablement les populations d’aleurodes, et l’utilisation de filets insect-proof sur les rangs de salade. Ces deux techniques ont permis de réduire le nombre de traitements qui était pratiqué, et n’ont que des effets positifs sur le système de production et le confort de travail de l’agriculteur.
Témoignage de la structure :
La Chambre d’Agriculture de Guyane a pris le relais de l’animation DEPHY depuis fin 2020. En lien direct avec l'animation Ecophyto et les conseillers de proximité, elle souhaite accompagner la dynamique du groupe DEPHY dans le renouvellement et la poursuite de sa démarche en faveur de la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires en Guyane.