Majunga

« Majunga » est la seconde BD du couple Doreau/Larcher qui, après l’univers fantasmé des « Trois visages de Tullula-Belle » nous livre cette fois un récit bien ancré dans le monde réel. Ce monde, c’est Madagascar, un pays que le dessinateur connait bien pour y passer une partie de son temps. Ses descriptions de la société malgache et des paysages qu’on y trouve sonnent donc particulièrement juste et sont pour beaucoup dans l’immersion du lecteur.

Nous voici donc à Majunga, ville portuaire du nord de la Grande Ile, en compagnie de Joseph et Lova, deux orphelins qui rêvent d’un avenir doré. Le premier a bien envie de transformer en métier sa passion pour la cuisine. La seconde se contenterait volontiers d’une jolie villa avec piscine. Quelques années plus tard, la réalité les a rattrapés. Joseph est devenu Croque-mort et Lova exerce le plus vieux métier du monde… Cela ne les empêche pas d’affronter l’existence avec joie et optimisme.


Et de l’optimisme, il leur en faudra pour faire face aux décès d’amis proches, aux magouilles d’un trio de notables et aux milles et unes petites misères de la vie quotidienne. Avec en toile de fond une histoire de vengeance plutôt originale, les auteurs abordent l’air de rien quantité de sujets : la corruption, la paternité, la prostitution et plus généralement les rapports hommes/femmes. Ils le font avec beaucoup d’humour et grâce à de jolies trouvailles dont les apparitions du défunt Père Manuel qui joue un peu le rôle de conscience de nos deux héros n’est pas la moindre.


L’histoire est portée par de forts jolis dessins qui nous font passer d’un hyperréalisme où l’on croit avoir affaire à des photos tout juste habillées de couleurs vives à des planches où les croquis sont plus esquissés et les portraits légèrement « déformés » pour accentuer tel ou tel trait de caractère des personnages. Mais dans l’un ou l’autre cas, les aquarelles de Doreau illustrent parfaitement l’ambiance chaude et lumineuse qui préside aux mésaventures de Joseph et Lova.

Majunga est la 4ème plus grande ville de Madagascar, sur la côte Nord-Ouest de l’île, capitale de la province de Mahajanga. A l’instar de ce que fait Marguerite Aboue avec Aya de Yopougon à propos de la Côte d’Ivoire, le scénariste Geoffroy Larcher, jadis chez décorateur de cinéma, prend pour prétexte le destin contrarié d’un jeune croque-mort, pour dépeindre le microcosme social sur cette côte exotique de Madagascar baignée de lumière. Un mort qui n’est pas mort, des histoires de mœurs pas piquées des hannetons, des figures locales picaresques… Le fil conducteur est léger, il a tendance à partir dans tous les sens, un peu choral, un peu vaudevilesque, mais on ne s’ennuie pas. Les acteurs sont de vrais personnages habités par des espoirs et en permanence animés par la joie de vivre. Comme pour le précédent Les trois visages de Tullula-Belle, publié en 2022 déjà chez Mosquito, Larcher s’appuie sur les talents réalistes du dessinateur Stéphane Doreau. Ce dernier met en scène des personnages expressifs (parfois même caricaturaux), aux traits souvent proches du portrait, dans des décors documentés et baignés de lumière.